Il s’appelle Zakaria et vient de Damas…

Il y a là ce jeune homme, entouré de 3 femmes et 5 enfants. Quand nos regards se sont croisés, il m’a fait un sourire courtois. Je lui rends le sourire puis lui parle en arabe…

– Tous ces enfants sont à toi?
– (Un sourire) Non, juste la petite ! Tu es d’où?
– Je suis Marocain, je vis en France. Prends mon numéro, si tu passes par la France, dis-moi. Je ne sais pas comment mais si tu as besoin d’aide tu pourras me contacter.
– Merci ! Normalement on va en Allemagne, nous avons des proches là-bas. Avec la feuille que nous donne l’Europe en arrivant ici, on doit choisir 8 destinations possibles sur une liste de 16 pays. Je note ton numéro en tout cas ! Moi c’est Zakaria.
– Enchanté, je m’appelle Yassine.
– Tu sais Yassine, s’il y a bien un pays où je voudrais te revoir c’est la Syrie, je ne retrouverais jamais un pays aussi beau, avec notre culture, nos gens et notre douceur perdue. Mais, bon voilà où on en est, il faut nous sauver, au moins pour ces enfants qui sont malgré eux victimes de ce qui se passe. Tu sais, j’ai 4 frères, 3 sont morts et un est en prison. Je n’avais plus le choix. Je me suis déjà retrouvé sous des bombardements de Bachar. J’ai le corps criblé d’impacts… Tu sais, j’étais créateur de mode, je travaillais à Damas et j’avais des clients jusqu’en Algérie. 
– C’est fou ça ! Il y a peut-être des chances pour refaire ça en Europe..

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– (Un grand sourire) ah ! On verra ! Je suis loin de ça là. J’étais en Libye avant le début de tous ces conflits, c’était bien là-bas aussi, mêmes si les gens y sont un peu naïfs. Je suis rentré quand tout a commencé, pour être près de mon enfant et ma famille… Tu sais, il y a trois jours c’est moi qui ai conduit le bateau gonflable depuis la Turquie. C’est une mafia là-bas. On était une cinquantaine sur un bateau gonflable de 6 mètres et c’était à moi de conduire. On est parti à minuit. Le moteur a calé 2 fois. J’étais en contact avec un passeur, il me disait quoi faire. Un gros bateau est passé pas très loin ! Nous avons tous flippé à cause des vagues. La veille un bateau s’est renversé et il y a eu des morts. Tu sais, nous avons récité le coran de a à z je ne sais combien de fois. On n’avait que ça pour tenir. (Un gros sourire) Dans ces conditions même le plus athée des gens devient croyant ! On a commencé à s’approcher de la côte et la des gens étaient là pour nous aider. Ils nous applaudissaient. 

– C’est dingue tout ce que tu me racontes. 
– Que veux-tu, là-bas ce n’était plus possible. Il n’y a plus d’humanité, entre la guerre et les échanges quotidiens qui sont tous devenus intéressées. Tu comprends, il y a un moment où tout devient matériel, tout à un prix… Ton numéro est noté ! Tu vas recevoir un message sur whatsapp ..
– C’est bon ! Reçu. Tu sais Zakaria j’ai toujours rêvé voir Damas, j’ai entendu tellement de belles choses sur la Syrie
– Écoute ! Un jour peut-être on s’y reverra ! Je l’espère. Pour l’instant, je te promets que si on je passe par Paris, je te dirais! Ça me fera plaisir de te voir là-bas.
– Inchallah ! Bon, je ne vais pas trop te déranger, tu as quand même la responsabilité d’une bonne équipe ! 
– Merci Yassine ! Merci pour tes mots ! À très bientôt !

Je n’ai pourtant pas dit grand-chose…

Je suis dans une salle d’embarquement à Mytilène en Grèce. J’avais remarqué ce petit groupe de réfugiés. J’imaginais de mon côté leur histoire. Au final elle est venue à moi.

Avant Zakaria c’est avec Maamoun, un des enfants, que j’ai parlé. C’était après le passage au contrôle de la douane. Il s’étonnait de la procédure, et que la moindre petite pièce en métal devait être contrôlée… C’est sa première fois dans un avion, il dit qu’il est impatient d’être dedans et de s’envoler…