L’apparence et la nuance

Je suis dans cette rame de la ligne 3 du métro. Devant moi ces deux femmes, la première parait enthousiaste et avenante, la deuxième, plus jeune, timide et silencieuse mais avec un léger sourire qui ne décolle pas de ses lèvres. Il y a là ces deux femmes, l’avenante, pose des questions en rafale que je capte à peine. Ces questions anodines pour combler un vide, un silence. « Tu étais dans le bus avant nous ? » « Tu resteras avec nous jusqu’à la fin ? ». Ma curiosité m’éloigne de mon livre, j’essaye de capter un bout de conversation et comprendre un bout de l’échange. Peine perdue et seuls me restent les gestes, les attitudes et le comportement : L’image de la scène sans le son qui l’anime.

Je suis en train de finir un livre de Florian Zeller, un roman trouvé par hasard dans la rue et qui m’a aspiré. Une histoire certes romancée, mais qui porte des sujets de fond tels que la place de la femme entre orient et occident, le poids et le pouvoir des religions, la place du roman et de la culture dans les sociétés, etc. un écrit fascinant de justesse et dont l’analyse me bluffe page après page. Un livre tout en nuances ou malgré la sensibilité des sujets abordés, il a su gardé une certaine justesse et objectivité dans le récit et surtout nous délivrer un excellent roman ! Bravo Florian !

Je reviens à mes deux voisines de métro. Il y a là ce sourire qui ne se décolle pas des lèvres de la deuxième, elle a un visage charmant. La rame se charge de monde, par fatigue ou par gène, cette jeune fille se cache les yeux, elle a les coudes sur les genoux et essaye de grappiller quelques minutes d’obscurité et un semblant d’isolement. La deuxième femme, l’enthousiaste, est toute dynamique, sa tête ne cesse de se tourner dans tous les sens. A chaque bruit ou parole forte sa tête se penche vers le sens du son. A l’inverse de la première, elle semble s’exalter à sentir chaque élément sonore qui l’entoure.

Il y a là deux femmes, ordinaires, chacune apprécie son contexte à sa manière. L’enthousiaste à les sens en éveil et semble s’émerveiller de détails les plus ordinaires, du quotidien de celle qui l’accompagne, à l’annonce sonore de la prochaine station. La deuxième, sourire courtois et timide, semble voir de la subjectivité dans chaque regard qui se pose sur elle. Quand elle ne se couvre pas les yeux ou les fermes, c’est dans le vide, vers le sol, que son regard se pose.

Il y a là, ces deux femmes, la première l’enthousiaste est non-voyante, la deuxième, jeune fille, portant un foulard et un large tenue noire et ample qui la couvre en entier.

Il y a là ces deux femmes, différentes et ordinaires. Juste deux femmes.

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