Les Petites histoires de Fer Forgé au Maroc

Les artisans marocains du Fer Forgé, ont maîtrisé, et ce depuis des siècles, une technique hors pair. Ils ont dompté les flammes et le feu, ils ont dressé le fer et ont cerné la finesse et subtilité des arabesques. Comme des virtuoses de la musique ou du chant, et sur la base de ces savoirs, les artisans du faire forgé ont très vite dépassé la technicité de leur art pour n’en exprimer que l’essence : Raconter des petites histoires. Car ce qu’on oublie souvent c’est que le fer forgé est un art. Un art qui a permis à ses maîtres d’exprimer leurs frustrations, honorer leurs religions, déclarer leurs amours ou servir leurs traditions.

Dans la discrétion des ruelles des médinas du Maroc, et celle de Fès en particulier, il y a ces grilles qui protègent et ornent les balcons, les portes et fenêtres et qui racontent à celles et ceux qui prennent le temps de les connaitre, les petites histoires, vraies ou mythiques de la vie ordinaire de la ville et de ses Hommes.

Il y a le charme de la femme du préfet qui fut l’inspiration de « Soualef Madame » (Littéralement les bouclettes de madame) une grille réputée du fer forgé marocain. Il y aussi l’ «El Jadarmi » (Le Gendarme) création du même artisan extériorisant en un dessin « rigide » la réprimande du gendarme envoyé par le préfet ayant écho que l’inspiration de l’artisan est sa femme.

Il y a « Ras Hammadi » la prouesse technique et artistique sortie de la tête de Hammadi (Signification en Français de « Ras Hammadi »), un apprenti dont le maître ne veut pas convoquer le conseil pour le promouvoir pour continuer à profiter de son savoir dans sa forge. Puis il y a « Ras Hammadi Makloub » la réponse exceptionnelle et en grille du maître au succès rencontrée par la grille de l’apprenti, pour lui signifier, avec art, qu’il est et restera le maître.

Il y a les « Mahreb Muslim » et « Mahreb ihoudi » les variantes artistiques d’une même fenêtre ou des artisans musulmans et juifs travaillent une même modèle mais l’adaptent, par fierté, à leurs cultures et croyances. Deux variantes qui cohabitent dans les ruelles de la ville et appréciées par les artisans des deux confessions confondues.

Il y a aussi « El Keb » cette ouverture en forme de sceau alliant bois sculpté et fer forgé, accrochée au mur des façades des riads et représentant l’unique vue et ouverture vers l’extérieur pour les femmes. Une grille exceptionnellement tournée vers le bas pour un usage pratique de communication vers l’extérieur tout en évitant qu’on puisse regarder vers la femme (grâce à l’usage du bois)

Ce sont là des histoires, d’amour, de rivalité, de religion et de traditions, écrites avec l’élégance des courbes et des lignes du Fer Forgé. Ce sont là les histoires que les grilles portent et transmettent telles des garantes de notre culture et identité.

Ces grilles de fer forgé puissantes sans être imposantes portent la subtilité de notre histoire et la mythologie qui nourrit notre identité. Elles sont une livre à notre portée qui expose le savoir-faire hors du commun des artisans et qui raconte ces histoires immatérielles qui nourrissent et préservent notre âme marocaine.