On m’a parlé de la collection Albert Khan et les portraits de femmes marocaines.

Une mémoire iconographique, plus grande collection photographique au monde selon certains, voici les deux principales éloges qui circulent sur l’archive publiée par le musée Albert Khan en France.

Plusieurs milliers d’images venant des quatre coins du monde et figeant à l’éternel les visages de celles et ceux qui ont fait une part de nos identités, celle forgée lors du début du dernier siècle et qui a eu pour témoin l’apparition puis la démocratisation de la photographie.

Avant, pour raconter l’Histoire, il y avait les récits d’aventures, puis les tableaux d’impressionnistes (Gauguin ou Delacroix pour la France et ses colonies ou encore Grant Wood pour les Amériques). Les images comme celles de la collection Albert Khan sont d’une autre nature. Elles sont l’oeuvre de l’instantané, de la naïveté du moment, de son ordinaire, de son extraordinaire. Elles sont, ce que la photographie était à cette époque : l’instrument d’archive, d’exploration et d’immortalisation. Cette photographie expérimentée et mise à l’honneur pour des précurseurs tel qu’August Sanders par exemple et ses portraits d’artisan, notables et ouvriers.

En plongeant dans la collection d’Albert Khan, on découvre plus de 800 clichés du Maroc, représentant essentiellement des visages de femmes. Il y a là beaucoup de visages de femmes car il fort possible que dans sa volonté de documentation et d’archivage, la femme représente la carte visite du pays, son essence identitaire. La femme pour un pays, par sa place, son attitude et ses ornements, est le symbole de sa beauté, de sa société et de ses codes et traditions.

slide_500542_6967044_freeTrois images attirent l’attention, car à mon sens elles racontent une page de notre identité marocaine. Une page à lire et relire pour finir par l’apprendre par cœur puis en être fier. Trois images de Fès à un moment important de notre histoire, Janvier 1913 (Débuts du protectorat consulaire et pour le Monde et début de la première guerre mondiale)

La juive. Femme du Mellah, quartier commerçant bordant, Fez El Jedid, la ville nouvelle (de l’époque). Ce sont les femmes juives qui accueillent dans la Médina de Fès. Leur quartier est le premier de la ville. Ces femmes ne sont pas femmes de colons, des expatriées ou des migrantes, elles sont des natives de cette terre, bien avant les arabes arrivés avec les croisades. Elles sont berbères de l’atlas ou citadines et surtout mères de la nation marocaine tout autant que les païennes berbères ou les musulmanes.

musulmaneLa musulmane. Femme arabe ou peut être berbère. C’est l’autre native de ces terres. Sa tenue est son histoire en fil et en couleurs. Les coquetteries, les foulards et superposition de drapés sont l’expression de son identité et celles de sa communauté. Cette femme est voisine de la juive. Elle a partagé avec elle ses recettes et l’a laissé allaiter son fils. Leurs communautés commercent ensemble et souvent, quand ce sont des artisans, ils s’inspirent les uns des autres et c’est là leur unique compétition.

Ces femmes sont sœurs, filles d’Abraham, qui à l’exception de leur foi, partagent une culture, une terre, des savoirs et un symbole essentiel, le drapeau de leur pays qui en cette période portait une étoile à 6 branches, celle de David (Daoud en Arabe). Un symbole qui alla passer à 5 branches sous le protectorat consulaire français dirigé par le maréchal Lyautey.

slide_500542_6967042_freeLa sénégalaise. La femme voyageuse malgré elle. La femme du tirailleur qui allait prendre le chemin de la terre France pour combattre en première ligne dans ses rangs. Cette femme qui jusqu’à la avait suivi son mari mais qui allait l’attendre sur cette terre en croyant parfois dans des retrouvailles qui ne vint jamais. Cette femme aussi est l’identité du Maroc. Elle qui a servi parfois malgré elle dans les riads du pays avant de de devenir maîtresse de son destin et œuvrer à s’inclure dans la société et en devenir citoyenne.

Il y a plus de 800 images du Maroc dans cette collection et trois d’entre elles sont suffisamment marquantes pour exposer un passé pas assez commenté et transmis aux générations qui doivent le lire et le comprendre. Trois images ordinaires qui inspirent des choses parfois réelles et d’autres certainement imaginaires. Trois images de femmes. Trois histoires.

Elles sont des femmes marocaines qui portent en elles une part de l’histoire du Maroc. Elles sont des femmes marocaines qui ont porté en elles celles est ceux qui ont fait la suite de l’histoire du Maroc. Elles sont le Maroc.