Vers la culture du « jour d’après »

Quand les crises surviennent, elles impliquent des bouleversements plus ou moins profonds de nos conditions de vie et de travail, de nos activités, de notre rapport aux autres et de nos émotions. Ces bouleversements, ainsi que les risques qu’ils induisent, varient d’une population à une autre, d’une personne à une autre. Il est essentiel de comprendre leurs impacts et d’en tirer les premières leçons utiles à une meilleure gestion des hommes et des organisations :

  • Comprendre comment nous en sommes arrivés là, d’un point de vue sociétal d’abord, pour prendre conscience de nos impacts sur l’environnement et les faire évoluer positivement. D’un point de vue organisationnel et individuel ensuite, afin d’ajuster la culture et les processus qui ont compliqué la gestion de la crise et l’adaptation aux perturbations.
  • Prendre le temps de comprendre comment nous sommes en train de le vivre. Il s’agit d’en tirer toutes les leçons sur les capacités collectives et individuelles que nous avons pu mettre en place pour avancer, tout en évaluant les difficultés que nous traversons.
  • Se projeter et essayer d’imaginer le jour d’après. L’objectif n’étant pas de prédire l’avenir mais de savoir identifier les réflexes à perpétuer, les activités à adapter et celles à abandonner.

La première leçon essentielle à retenir des crises et de leurs bouleversements, une fois que nous les vivons, est notre incapacité collective à les anticiper. La seconde est notre capacité collective à les dépasser et trouver d’une manière ou d’une autre les leviers pour en sortir. Cela étant, il est regrettable que ce rebond collectif se fasse avec des impacts humains et sociaux qui touchent principalement les plus vulnérables. Notre capacité de rebondir pour atteindre « le jour d’après » est probablement innée, mais elle ne se révèle que dans la contrainte, avec les dommages que cela implique.

La grande opportunité qui s’offre à nous aujourd’hui est de repenser nos comportements, nos routines, voire nos identités pour aller vers une culture du « jour d’après » et l’incarner durablement.

Pourquoi parler d’une culture du « jour d’après » ? Comme évoqué, nous avons collectivement la capacité de rebondir pendant les crises. Cette capacité doit être structurée et incarnée à long terme, pour apprendre de nos forces devant une crise tout en atténuant ses méfaits. Il faut que la culture du « jour d’après » devienne un élément de l’ADN d’une organisation, pour qu’au quotidien elle puisse : Être efficiente comme en temps de crise et cultiver les comportements qui la prépare au « jour d’après ».

La culture du « jour d’après » peut se résumer à 7 grands principes et comportements concrets que l’organisation se doit de mettre en œuvre et d’incarner :

  • Protéger les hommes et les organisations : Mettre en place les conditions de travail et de sécurité qui garantissent la santé et le bien-être des collaborateurs et qui protègent des organisations. Pour les Hommes, il s’agit des conditions de travail en présentiel ou en télétravail qui garantissent la protection sanitaire, physique et psychologique. Pour l’organisation c’est la protection des lieux, des savoirs et des données. Ces éléments doivent être pensés a priori et implémentés au quotidien pour ancrer les bons réflexes et se préparer aux éventuels bouleversements.
  • Agir sagement : C’est probablement une dimension utopique, mais il est du devoir des Hommes et des organisations de questionner leurs actions et leurs impacts sur les écosystèmes. La première prévention face aux éventuelles crises est de ne pas participer aux causes qui les provoquent.
  •  Aller à l’essentiel : Pendant les crises nous apprenons à être mesurés et efficaces, faire avec peu et bien. Certains comportements deviennent secondaires (Réunions et validations, conditions de conformité non obligatoires, etc.). Ce recentrage sur l’essentiel a deux vertus : les activités sont « épurées » de ce qui n’est pas primordial pour le fonctionnement, et les individus faisant face aux perturbations se recentrent et reconstruisent leur équilibre. Cette organisation efficiente, facteur de performance en contexte de crise, doit devenir une culture permanente.
  • Être agile raisonnablement : les bouleversements impliquent fatalement de l’agilité pour trouver des nouveaux mécanismes de collaboration et d’organisation. Pour autant, l’agilité ne doit pas être un dogme porté par des conditions uniques, comme l’usage systématique des visioconférences ou l’impératif d’un même rythme de télétravail. Être raisonnablement agile revient à donner à chacun la possibilité de trouver son équilibre et son mode de collaboration. Par exemple, travailler via des plateformes en « asynchrone » permet à chacun de s’organiser selon ses propres contraintes.
  • Animer justement : Animer c’est faciliter les échanges et la collaboration. L’animation ne doit pas être orientée uniquement autour de l’exécution des tâches. Ce qui fait une équipe c’est la cohésion qu’elle développe et qu’elle maintient. Cette cohésion se fonde principalement sur des échanges informels, de la bienveillance et une bonne humeur partagée. Les périodes de crises peuvent provoquer un besoin excessif de contrôle, pour les télétravailleurs en particulier, or le besoin est aussi et surtout de détendre l’atmosphère et accepter un certain relâchement. Il s’agit aussi de faire confiance aux collaborateurs et de favoriser un écosystème de collaboration positif.
  • Favoriser la solidarité : Pendant une crise, la solidarité est un élan naturel qui permet de trouver du sens et de se sentir utile. Dans une organisation, cela peut être la mise à disposition de ressources ou talents pour appuyer la collectivité, ou la solidarité interne qui permet la continuité des activités. La solidarité donne du sens au collectif car chacun, selon ses capacités, peut se trouver une utilité sociale. La solidarité atténue aussi les crises car elle permet la concentration des énergies là où elles sont le plus nécessaires. Une forme de solidarité et de résilience collective doit se structurer dans une organisation pour que chacun puisse être utile, parfois même au-delà de son périmètre, et renforcer la performance en révélant des talents.
  • Accepter l’émotion : Les bouleversements causés par une crise ont un impact sur les personnes, leurs vies et leurs émotions. Cela peut être lié à la confrontation directe aux drames, l’isolement, la pression professionnelle ou encore l’angoisse personnelle face à la situation. Les émotions sont amplifiées par les conditions et les effets de la crise. L’acceptation de ces émotions, leur verbalisation, ainsi que l’écoute et le soutien permettent de mieux dépasser les crises. Le leadership, les managers et les collaborateurs doivent accepter ces émotions, les écouter et tenter de les apaiser. L’intelligence émotionnelle trouve tout son sens pendant une crise, elle permet d’accepter la part d’humanité de chacun et de développer une bienveillance collective qui renforce l’organisation.

Nous traversons une période inédite et bouleversante pour les Hommes, les organisations et la société. Les risques sont dramatiques et vont avoir des impacts humains, sociaux et économiques sur le long terme. Notre devoir collectif premier est d’avancer malgré tout vers le « jour d’après », mais aussi et surtout de saisir l’opportunité de lire dans ce que nous traversons les leçons et les conditions qui feront du jour d’après, un jour meilleur pour les Hommes et les organisations. Une culture du « jour d’après » telle que détaillée ici n’est peut-être pas un choix, mais une responsabilité.