Anas a besoin d’une Caméra

 

Le 14 Mars 2016, il y a eu la rencontre à l’aéroport de Lesbos, avec Zakaria, le créateur de mode, venant chercher refuge en Europe, « réfugié » donc. Zakaria est en Allemagne aujourd’hui, après avoir attendu 2 mois à Athènes, dans son malheur, il a été le plus chanceux.

La Veille de la rencontre avec Zakaria, j’ai connu Youssef, Mohammed et Anas (entre autre) rencontrés la veille sur le port de l’île. Eux aussi avaient fait le même trajet de Damas à Lesbos, passant par la Turquie et les bateaux gonflables vers la Grèce. Mais eux, avaient moins d’argent. Le trajet vers Athènes s’est fait en paquebot, avec départ à 6 heures du matin (le moins cher). Cette nuit du 13 Mars 2016, ils l’ont passé sur le port en l’attendant.

Le 15 Mars 2016, 10h du matin, j’étais à la gare d’Athènes. J’y ai retrouvé Youssef, Mohammed et Anas qui y prenaient le train en direction d’Idomeni, dans le nord-ouest de la Grèce. Ils espéraient la réouverture des frontières et donc la route des Balkans (Le chemin principal, aujourd’hui bloqué, des réfugiés passant par la Macédoine, Serbie, Hongrie, Autriche ou Slovénie pour finir Allemagne).

La frontière ne s’est jamais ouverte. Fin Mars 2016, l’Europe a fait le « choix » de déléguer son humanisme à la Turquie. 6 milliards d’euros.

Depuis le 16 Mars 2016 les trois jeunes hommes sont entre deux camps grecs au milieu de nulle part : Idomeni (Anas) et Thessaloniki (Youssef et Mohammed). 3 mois et quelques jours. Je ne compte pas les jours, eux certainement.

Youssef a eu un contact avec l’Ambassade de France, il a eu un dernier entretien et une visite médicale en Juin. Depuis début Juillet, il est demandeur d’asile, logé à Beauvais en Picardie. Youssef va bien.

Mohammed lui c’est la Lituanie. Il ne connaissait pas ce Pays, il y a quelques jours il me demandait des informations de base. Je ne connais pas ce pays. Je me suis fait l’intermédiaire entre lui et Google.

IMG_1444Anas, celui grâce à qui je suis aujourd’hui en lien avec la troupe, n’a aucun pays en perspective. Le quotidien du camp d’idomeni s’impose à lui. Il y a quelques jours, il m’a envoyé cette photo, faite par un réfugié du camp : Une grille sépare un petit qui confronte au sérieux de sa situation un ballon, son seul jouet et des grands qui prennent trop au sérieux leurs jouets. D’un côté des grands avec de gros jouets qui divisent, de l’autre un petit avec un petit jouet qui rassemble …

Anas a conscience de ce qu’il vit. Pour ne pas se perdre l’esprit là ou son corps est perdu, il écrit. Anas a écrit un film, un court métrage, sur la drogue et ses méfaits et veut le tourner avec les jeunes du camp.

Les images sont écrites, il manque la Caméra pour les réaliser. Mais Anas ne m’a rien demandé. Débrouillard comme il est, son film il va le tourner. J’ai quand même demandé à Anas de se trouver une adresse de livraison et si besoin, j’ai proposé de lui en envoyer une.

Anas est là-bas, il prend son quotidien avec recul mais ne veut pas s’y abandonner. Réaliser une histoire qu’il a écrit, maintiendra son espoir dans la sienne, celle dont on lui a confisqué les reines.

Anas a besoin d’une Caméra.